Le durcissement du conflit dans la région a une incidence sur la sécurité turque et sur la croissance économique.
Situation politique
Chef de l'Etat : Président Recep Tayyip Erdogan (depuis Août 2014)
Chef du gouvernement : Premier Ministre Binali Yildirim (depuis Mai 2016)
Nature du régime : démocratie parlementaire républicaine et État laïc. L‘influence politique des forces armées a été limitée.
Population : 77.7 millions
Une purge massive en cours après le coup d‘État manqué
Après le coup d‘État avorté du 15 juillet 2016, le gouvernement turc a déclaré l‘état d‘urgence et lancé une vague de répression massive visant à purger la fonction publique des fonctionnaires soupçonnés d‘être liés au coup d‘État et à Fethullah Gülen, un prédicateur musulman exilé aux États-Unis. Plus de 20 000 militaires, policiers, juges, magistrats et fonctionnaires ont été emprisonnés, environ 60 000 fonctionnaires ont été suspendus.
De nombreux organes de presse ont également été fermés et des journalistes ont été arrêtés. Entre-temps, le président Erdogan a élargi la purge aux entreprises turques suspectées d‘entretenir des liens avec le mouvement de Gülen.
Déjà avant le coup d‘État manqué de juillet 2016, un nombre croissant de mesures prises par le gouvernement pour limiter l‘indépendance du pouvoir judiciaire et l‘interférence politique dans les médias avaient éveillé l‘inquiétude en Turquie et au sein de la communauté internationale. Ces inquiétudes ont grandi, en particulier aux États-Unis et au sein de l‘UE, et les relations que la Turquie entretient avec ces deux entités ne cessent de se détériorer depuis le coup d‘État avorté.
Le durcissement du conflit dans la région a une incidence sur la sécurité turque
Les risques géopolitiques ont considérablement augmenté depuis 2014. La partie au sud-est du pays est touchée par un afflux massif de réfugiés syriens et par les combats proches de la frontière. Cette région est également gravement touchée par la recrudescence des combats entre les forces turques et le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), après la suspension du cessez-le-feu par le gouvernement et l‘arrêt des négociations de paix informelles avec le PKK. En parallèle, plusieurs attentats suicides à la bombe perpétrés par l‘EI ont touché plusieurs villes, dont Istanbul et son aéroport principal.
Compte tenu des risques politiques accrus dus à la situation politique interne perturbée, à la nouvelle escalade du conflit avec le PKK, aux attentats terroristes et au regain de tension dans les relations avec l‘UE et les États-Unis, on ne peut exclure des répercussions économiques à moyen et à long terme, notamment une diminution des investissements étrangers et des dépenses des ménages. Ces éléments pourraient nuire à la croissance économique, à la stabilité du taux de change, aux possibilités de financement externe, au refinancement et au nombre de faillites.
La Turquie a fait d‘importants progrès économiques au cours des dix dernières années. Grâce à la stabilité politique engendrée par l‘arrivée au pouvoir de l‘AKP en 2002, le pays a enregistré une hausse du PIB supérieure à la moyenne européenne, alors que les revenus réels par habitant ont sensiblement augmenté. Une population en forte augmentation comptant plus de 75 millions d‘habitants et la prospérité croissante ont fait de la Turquie l‘un des marchés émergents les plus en vue.
Cependant, depuis 2013, les faiblesses économiques structurelles de la Turquie refont surface : et parmi elles une inflation obstinément élevée, des besoins de financement externe brut importants, une forte dépendance par rapport aux entrées de capitaux fluctuants sous forme de portefeuille ainsi qu‘une liquidité internationale faible et une devise volatile – à quoi s‘ajoutent aujourd‘hui des risques politiques en soudaine augmentation.
Situation économique
Un ralentissement de la croissance est attendu pour 2016 et 2017
En 2016 et en 2017, la croissance du PIB turc devrait passer sous la barre des 3 % en raison de la baisse de la consommation privée et du recul des investissements. La détérioration de la situation interne en matière de sécurité renforce les craintes relatives à l‘indépendance de la banque centrale, dissuade les entreprises et nuit au sentiment des investisseurs, ce qui entraîne des retards dans la prise de nouvelles décisions d‘investissement. Le tourisme est fortement touché par les questions de sécurité intérieure.
Grande importatrice de pétrole, l‘économie turque devrait bénéficier de la baisse des prix du pétrole, ce qui devrait contribuer à stimuler la demande privée, réduire l‘inflation et limiter le déficit durablement élevé de son compte courant - conséquence du faible niveau d‘épargne et des forts investissements.
Toutefois, l‘inflation devrait rester élevée en 2016 et en 2017, à environ 7 %, soit un taux bien supérieur à l‘objectif officiel à moyen terme de 5 %, étant donné que la forte dépréciation de la livre (environ 20 % par rapport à l‘USD en 2015) a compensé les effets déflationnistes des faibles prix du pétrole.
La forte dépendance par rapport aux entrées de capitaux constitue un risque majeur
Le déficit du compte courant devrait rester au-dessus de la barre des 5 % du PIB en 2016 et en 2017, notamment en raison de la baisse du tourisme. Une hausse de la dette étrangère et d‘importantes importations de capital (investissements directs étrangers et capitaux en portefeuille) sont nécessaires pour couvrir les déficits du compte courant. Cependant, étant donné que la majeure partie de ces déficits est financée par des entrées de capitaux à court terme volatiles et des placements de portefeuille sensibles, l‘économie est très vulnérable à toute secousse négative sur les marchés financiers, ce qui pourrait déclencher un retrait massif de capitaux et mener à d‘autres fluctuations du taux de change de la livre.
Les éléments déclencheurs de telles évolutions ne sont pas seulement externes, mais également internes, et liés en particulier à la situation relative à la sécurité et aux inquiétudes sur la crédibilité de la politique monétaire. La dette étrangère de la Turquie a fortement progressé ces dernières années, passant de 38 % au PIB en 2008 à 56 % fin 2015, dont plus de 90 % libellés en devises étrangères.
Toutefois, la capacité d‘absorption des chocs est sous-tendue par des finances publiques saines, un système bancaire en bonne santé et un bon accès aux marchés financiers internationaux.
Risque financier accru pour le secteur des entreprises
La progression de la dette des entreprises en Turquie a nettement dépassé la croissance économique en 2015. Le rapport dette des entreprises/PIB a donc plus que doublé, atteignant 57 % au quatrième trimestre 2015. Bien que le niveau soit toujours modéré, la structure de la dette est préoccupante, car elle est financée de manière externe à plus d‘un tiers. Les entreprises turques, et en particulier le secteur de l‘énergie, empruntent fortement en devises étrangères auprès des banques locales, ce qui reflète la dollarisation relativement forte du système bancaire turc. L‘exposition des entreprises turques au risque de devise étrangère est donc plus grande que les chiffres de la dette externe ne le laissent penser. Les secteurs les plus vulnérables en Turquie sont l‘énergie, les matériaux de construction, l‘acier, les transports (compagnies aériennes) et l‘industrie chimique. Les entreprises de plus petite taille générant des revenus essentiellement en devise locale insuffisamment protégés, sont les plus menacées.
Jusqu‘à présent, les entreprises turques bénéficient d‘un bon accès aux marchés de capitaux internationaux, avec des taux de refinancement de la dette externe des entreprises qui se maintiennent au-dessus de 100 % et des échéances lointaines. La banque centrale turque a en outre récemment pris des mesures visant à réduire la dollarisation des prêts nationaux et les entreprises turques ont amélioré la structure de leurs échéances.
Persistance des contraintes structurelles pour la hausse de la croissance à long terme
La capacité de gain à venir de l‘économie turque est restreinte par les déséquilibres macroéconomiques liés à la forte croissance du crédit, la forte inflation et un déficit externe important, conjugués à des problèmes structurels liés au faible taux d‘épargne et à des problèmes de compétitivité, ce qui limite l‘afflux des IDE.
Le climat d‘investissement est également mis à mal par la faiblesse du système judiciaire et le manque de flexibilité du marché du travail. Les mesures de privatisation des banques publiques et du secteur électrique tardent également à être mises en place. Sans réformes structurelles visant à accroître les taux d‘épargne, réduire la dépendance par rapport aux importations énergétiques et améliorer le climat d‘investissement, le taux de croissance potentiel de la Turquie diminuera et passer à 3 %-3,5 % par an. Aucune réforme structurelle n‘est cependant attendue dans la situation politique actuelle.